Des dhows, des voiles et du vent

J'avais quitté la Tanzanie un petit peu fatigué des méthodes commerciales de mes amis tanzanniens. Rien de tel qu'un petit peu d'aventures pour me faire oublier ces quelques tracas.

 

J'embarque donc à bord d'un dhow (prononcé en Swahili ''thow''), voilier de bois traditionnel utilisé depuis  toujours sur les cotes de l'océan indien par les commercants arabes venus de la péninsule arabique. Autant vous dire qu'à part 5 locaux, 3 marins, des sacs de mais et 4 coqs, je suis le seul à bord avec mon sac à dos. 

 

Le dohw qui doit m'emmener est posé sur le sable. On embarque à marée montante vers 22h, il fait nuit noire et des crabes courrent sur la plage. On attend ensuite qu'il y ait assez d'eau pour flotter. Magie de la mondialisation, les marins écoutent sur un petit poste FM un match de football anglais, et Chelsea ne fait pas une prestation éblouissante. Soudain le dhown bouge, on hisse l'unique voile sur le mat pivotant et notre navire ondule doucement en direction de Zanzibar.

 

La nuit est pleine d'étoiles, la houle conséquente  et le vent peu consistant : on se traine et on est secoué. Il m'est impossible de dormir assis sur les sacs de mais. Les marins écopent toute les demi-heure et balancent par dessus bord une dizaine de seaux à chaque fois...rassurant.

 

A 7h nous arrivons en vue de Zanzibar et sommes rincés par un bref orage. Les éclairs tombent au loin. Le vent se lève et tombe sans cesse, nous voilà bloqués pour de bon à 200 mètres du but. Notre capitaine troque un litre d'essence auprès de pecheurs qui passent et démarre un minuscule moteur hors-bord pour manoeuvrer dans le port. Nous touchons enfin terre et je saute à quai.  Un vent d'orage gonfle les voiles des femmes et des dhows. Me voilà sur l'ile aux épices !!

Stone Town, labyrinthe et Ramadan

Pour info : Zanzibar est un archipel. Le nom de l'ile principale est Zanzibar Island ou Ujunga en swahili.

 

Je passe deux jours dans un petit hotel du quartier de Kiponda, au coeur de Stone Town, le vieux quartier de Zanzibar City, ville principale de l'archipel, lui-meme rattaché à la Tanzanie. Simple non ?

 

Je me plais à marcher sans but dans les ruelles étroites et je me perds un bon nombre de fois malgré le très bon sens de l'orientation dont m'ont doté mes parents. C'est dire... Je flane donc le nez en l'air et découvre par hasard les sites les plus remarquables de la ville. Je lutte aussi toute la journée contre la faim. C'est en effet la période du Ramadan, et hormis dans les hotels de luxe, il est impossible de trouver à manger. L'astuce consiste à se nourrir de minuscules bananes achetées le soir venu sur les échoppes qui croulent alors de victuailles. Une fois la prière du soir achevée, la ville revit et je me régale alors de chapatis, de beignets, de brochettes de boeuf ou de poulet, de calamars fris, de pastèques, de mangue et de jus de fruit frais.

 

Le dernier soir, je rejoins Omar, jeune zanzibarite (mot compte triple) rencontré durant la traversée. Il me fait visiter son village que nous gagnons en dhala-dhala, les bus locaux. Je rencontre ses amis à qui Omar enseigne l'anglais, et leur fait une conférence improvisée sur mon voyage. Ils sont tous très attentifs et me questionnent ensuite longuement sur mon projet, l'Europe, ma famille et me demandent de nombreux conseils pour trouver du travail et sortir de la misère. Questions difficiles...

Omar me fait également corriger le cahier de devoirs de sa petite soeur qui apprend le francais.

 

Le soir venu, il m'invite à partager avec sa famille le repas du Ramadan. Nous mangeons avec son père assis sur une simple natte. Nous plongeons nos mains droites dans un plat de manioc et de bananes, sur lequel trone un unique petit poisson grillé. Les plats sont accompagnés de beignets épicés, le tout servi avec un thé brulant fait maison.

 

Les femmes (sa mère et ses soeurs) mangent à l'écart dans la pièce voisine, mais une fois notre repas terminé, elles nous rejoignent pour discuter avec nous. Omar sert de traducteur et elles corrigent mon swahili de grand débutant. Son père s'est absenté pour aller cherhcer de l'eau au puit, distant de 8km, et à son retour, je les aide à décharger une dizaines de bidons que nous entreposons dans une pièce sombre et fraiche.

 

Omar me raccompagne à Stone Town et nous nous promettons de nous écrire. Je passe la fin de soirée dans mon petit hotel un peu agard,  beaucoup ému par cette rencontre exceptionnelle, par la gentillesse et l'accueil de tout le village et par la générosité sans arrière pensée d'Omar et de toute sa famille.

 

Il m'est dur de décrire le sentiment de gene et de voyeurisme ressenti lors des premiers moments de cette rencontre. Omar et les siens vivent de rien dans une ile ou certains touristes depensent des sommes astronomiques dans des hotels et attractions hors de prix, meme pour moi. Alors, assis par terre sur une natte, dans une maison encore en construction, au coeur d'un village que nul blancs ne visite, avec toute la famille et les amis défilant  devant moi, je ne me sentais pas trop à ma place.

 

''Don't feel shy !'' me répètait Mohammed, le père d'Omar. Facile à dire !! Mais au fur et à mesure des incompréhensions et des rires des enfants, toute la gene s'est envolée... Lorsque je les ai quittés, ils me remerciaient sans fin d'etre venu les voirs et d'avoir discuté avec eux. Je les ai remerciés longuement de m'avoir accueilli et de m'avoir ouvert leur monde... Instants inoubliables.